samedi 18 décembre 2010

Pierre Rabhi, Krishnamurti et le changement


De Pierre Rabhi


Lorsque l’on est, comme moi, composé de deux cultures, du Nord et du Sud (je suis français d'origine algérienne), on se construit sur des valeurs qui ne sont pas nécessairement convergentes. Vers 42 ans, je me suis beaucoup questionné sur mon identité. Durant des années, mes préoccupations avaient été tournées vers ma ferme. Allais-je réussir à nourrir ma famille ? Devions-nous rester ou nous en aller ? Nous étions absorbés par notre production agricole, jusqu’à ce que nous réussissions enfin à en vivre. C’est à ce moment-là que mes problèmes d’identité m’ont rattrapé.
La crise s’est d’abord manifestée par une grande fatigue. Toutes mes interrogations, notamment sur la religion, me menaient dans l’impasse. J’ai eu le réflexe, au début, de me raccrocher à l’une ou l’autre de mes cultures. Mais à quoi ? Aux dépens de quoi d’autre ? Plus je cherchais des repères clairs, plus le doute augmentait, et plus cela m’était douloureux.
J’ai alors découvert Krishnamurti (Jiddu Krishnamurti (1895-1986) philosophe et éducateur d’origine indienne, est l'auteur de nombreux ouvrages, dont "La Première et Dernière Liberté"*). Ce philosophe postulait qu’un changement de société ne pouvait advenir sans un changement profond de l’individu, une mutation de son « vieux cerveau conditionné ». Je découvrais que je ne pourrais pas m’en sortir sans me libérer de mes appartenances. J’ai appris à ne plus être ni du Nord ni du Sud, à ne plus me définir par aucune idéologie, aucun parti ou choix confessionnel, qui me mettraient en opposition avec d’autres. Nous avons la prétention, avec une capacité de penser limitée, d’appréhender le réel de nature infinie. Or nous pouvons tout juste comprendre un fragment de réalité exiguë, souvent différent de celui de nos semblables. Krishnamurti dessine la voie d’un humanisme qui aboutit à reconnaître l’unité absolue du genre humain. Nous ne pourrons aller vers cet universel sans dépasser nos affirmations identitaires, nos divers conditionnements.
Le débat actuel sur le voile me paraît par exemple symptomatique du chemin à parcourir pour établir un vivre-ensemble satisfaisant pour tous. Je suis bien sûr hostile aux confinements imposés aux femmes. La posture laïque, lorsqu’elle transcende les oppositions religieuses, est souhaitable. Mais la politique a bien d’autres choses à faire que de débattre de ces broutilles. Il est temps de cesser de regarder ce qui nous sépare pour trouver une convergence sur ce qui nous unit et qu’aucun humain ne peut nier. Prendre soin de la Terre comme bien commun, universel, indispensable à la vie de chacun sans exception, est une nécessité bien plus urgente et irrévocable pour l’espèce humaine tout entière.



Le blog de Pierre Rabhi

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