mercredi 15 décembre 2010

Comment l’État prépare la guerre urbaine dans les cités françaises


Hacène Belmessous sort un livre dont le titre est "Opération Banlieues" qui impliquerait l'emploi de l'armée et de la force militaire au sein de cités des banlieues. Avec les risques de dérapage voire de presque guerre civile.

Extraits de son entretien

Depuis 2008 et la publication du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale [4], un "contrat 10 000 hommes" prévoit la mise à disposition par les armées, « à la demande de l’autorité politique, lorsque des situations graves frappent le territoire national », d’un contingent d’autant de militaires. « En clair, si Nicolas Sarkozy le décide, l’armée de terre interviendra dans les cités françaises »

Quand on m’interroge sur la probabilité de cette intervention militaire, je rappelle toujours qu’il existe deux fronts : le front sécuritaire mais aussi le front social – ce dernier étant tout aussi diabolique car difficile à cerner, donc à démasquer. Il faut évidemment s’intéresser à la dimension sécuritaire, mais ce serait commettre une grave erreur que de ne pas se pencher sur le processus de dégradation de la vie sociale et citoyenne dans ces territoires.

Il y a l’aspect spectaculaire, mais aussi son pendant invisible – cette guerre faite aux associations, menée contre tous les leaders émergeant sur ces territoires ou les voix contestatrices.

La réalité, c’est qu’il s’agissait d’émeutes de pauvres et d’exclus - je ne parle pas là des gamins qui y ont participé, pour qui c’était plutôt l’occasion de défier l’autorité, mais plutôt des adultes.

La classe ouvrière a été remplacée par le lumpenproletariat – des individus minorisés, aplatis, relégués dans ces lieux où personne ne veut aller.

Dans les années 1980 était développé l’argument suivant : ces quartiers vivent mal parce que leur architecture est criminogène. Aujourd’hui, qu’est-ce qu’on entend ? Ces quartiers vivent mal parce que la culture de leurs habitants est criminogène. Percevez-vous le basculement ?

La réalité, c’est qu’on ne sait réellement ce qui se passe dans ces territoires. Prétendre les comprendre au travers d’un discours déjà normé est une grossière erreur.

Parmi les officiers que j’ai rencontrés – tous s’affichant loyaux et républicains -, aucun n’a été surpris par mes questions sur l’imminence d’une intervention dans les banlieues ; ils la craignent et la rejettent, mais le fait qu’ils aient répondu ouvertement à mes interrogations montre que quelque chose est en train de se jouer.

Ces officiers de l’armée de terre savent que pour rendre possible l’envoi de la troupe dans les banlieues, un facteur déclenchant, basé sur l’émotion, sera nécessaire – le plus favorable étant, encore une fois, la mort de policiers dans une cité. Nicolas Sarkozy n’engagera pas de militaires parce qu’il l’aura décidé d’un claquement de doigts ; il lui faudra d’abord créer les conditions du pire.

« Si on nous envoie sur le terrain, c’est pour mitrailler : c’est notre travail. Est-ce bien cela qu’on attend de nous ? » ; ou encore : « Si nous on y va, ensuite il n’y a plus personne... » Ils ne trouvent pas rassurant ce continuum sécurité intérieure / défense nationale.
L'article

1 commentaire:

  1. effrayant

    je savais bien qu'il était dangereux ce président

    Mireille

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