Texte recommandé par Caroline
Un texte de Pierre Rabhi (son blog) sur la nourriture, son lien à la vie. Notre vie.
Se nourrir est l’acte le plus indispensable à la vie. Aucun être humain, aucune créature animale ou végétale ne peut s’en passer. Cette nécessité est devenue banale dans le monde de l’abondance, en même temps qu’elle représente un cruel besoin pour un nombre toujours grandissant d’êtres humains sur la planète.Nous devons tous notre nourriture aux trente centimètres de glèbe nourricière. Il a fallu des milliards d’années pour que celle-ci devienne une matrice vivante capable d’élaborer des substances à même de nourrir les végétaux qui auront eux-mêmes pour rôle de nourrir les animaux et, bien plus tard, les humains. C’est ainsi que s’est établi le lien vital et indéfectible entre la terre, le végétal, l’animal et l’être humain, ainsi que les autres éléments que sont l’eau, la chaleur, la lumière et bien d’autres principes subtils éléments issus des forces telluriques et cosmiques.Au-delà de la satisfaction d’un besoin physiologique, se nourrir devient un temps de délectation qui éveille en nous des sensations profondes, en exaltant les principes vitaux issus de l’alchimie de la vie. La nourriture est alors source de satisfaction et de bien-être, favorable à la convivialité, au contraire de cette «bouffe» sans saveurs, édulcorée de chimie qui chaque jour transite, anonyme, à travers l’organisme des consommateurs qu’elle pollue et prédispose à de nombreuses pathologies.Pour obtenir des aliments de qualité, le rôle du cultivateur est absolument essentiel car il doit tenir compte des règles et des principes biologiques, physico-chimiques et énergétiques qui régissent la fécondité de la terre. Sans ces impératifs, les denrées qu’il obtiendra seront obligatoirement dénaturées et en quelque sorte impropres à la consommation. Il leur manquera les substances nobles et les énergies qui en font des aliments à large spectre positif sur l’ensemble de l’organisme humain et, par conséquent, sur sa psyché.La terre nourricière fait partie des biens communs en péril qui nécessitent d’urgence l’attention et la mobilisation de l’ensemble de la communauté humaine. L’agriculture moderne a fait du sol nourricier un substrat dopé par des engrais chimiques. Les aliments ainsi produits sont très carencés, malades et nécessitent de nombreux pesticides qui portent atteinte à l’environnement naturel, à l’eau, à l’air, à la santé humaine et animale. La Terre est, quand on y réfléchit bien, notre premier estomac. Il va donc de soi que la manière dont elle est traitée influe de façon implacable sur notre état, pour le meilleur ou le pire.La mainmise sur la production alimentaire par les trusts de l’agrochimie, et notamment l’élimination insidieuse du patrimoine semencier constitué depuis plus de 12 000 ans au profit de semences artificielles lucratives et non reproductibles, représente une grave menace pour l’avenir de l’humanité, prise ainsi en otage par une cupidité pathologique.L’agroécologie entend concilier la réponse au besoin indispensable de se nourrir avec la nécessité vitale de préserver le patrimoine nourricier. Face à un système qui confisque le droit des peuples à se nourrir par eux-mêmes, elle est une alternative au service d’un humanisme destiné à abolir l’humanitaire, certes nécessaire dans le contexte actuel, mais qui risque de justifier encore longtemps le principe du pompier pyromane.L’alimentation moderne est capable de prouesse au niveau quantitatif, au niveau gustatif, mais elle ne prend pas en compte le rôle vital d’une alimentation compatible avec nos vrais besoins alimentaires. En attendant la généralisation d’une alimentation «normale» de qualité biologique, le coût et le goût ne sont pas incompatibles si l’on prend en compte tous les effets positifs induits. Il s’agit d’une option éthique encourageant la production de qualité biologique, mais aussi d’un choix politique, une légitime et pacifique résistance aux dérives gravement préjudiciables à la nature et aux êtres humains.
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dimanche 27 novembre 2011
Pierre Rhabi : la Terre est notre premier estomac
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