vendredi 29 octobre 2010

"Une petite inflation" de garde(s) à vue


Pour ceux qui voient toujours et systématiquement la démocratie à leur porte, un excellent article de Maître Eolas. La première partie étant juridique (et passionnante) je vous engage à le lire au complet. Pour ceux qui ont moins de temps, un extrait  concernant un trait d'humour sur le lapsus de Rachida Dati et les conséquences (illégales) pour son auteur.

Pour mémoire, il y a environ 800 000 gardes à vue par an en France. Statistiquement si vous vivez 80 ans vous avez une "chance" d'y aller.

Comme l'auteur le dit à la fin de l'article en citant le poète latin Juvénal "Qui nous gardera de nos gardiens?"


A la suite du désormais célèbre lapsus de Rachida Dati, un habitant de Bourg-de-Péage, près de Romans sur Isère, dans la Drôme, lui a adressé un courrier électronique sur sa boîte du Parlement européen, lui demandant “une petite inflation”. Blague de mauvais goût, sans doute, avec des relents de sexisme, certainement. Mais une blague avant tout.
Eh bien ce monsieur s’est retrouvé place en garde à vue par la police judiciaire de Lyon, qui démontre ainsi son sens des priorités, pour le délit d’outrage envers une personne chargée d’une mission de service public. Le procureur de la République de Valence, a évidemment été immédiatement informé – du moins je le suppose.
Et que croyez-vous qu’il arriva ? Que le procureur s’est exclamé : “Mais vous n’y pensez pas ? Un député européen n’étant pas dépositaire de l’autorité publique, faute de pouvoir de décision délégué par la loi, il doit être regardé comme chargé d’une mission de service public ; or l’alinéa 1er de l’article 433-5 du Code pénal ne prévoit qu’une peine d’amende de 7500 euros maximum pour ces faits, en fût-il l’auteur. Pas de prison encourue. Or l’article 67 du Code de procédure pénale prévoit que la garde à vue n’est applicable qu’aux faits punis d’une peine d’emprisonnement. Il serait donc illégal de le retenir en garde à vue, et inopportun de priver de liberté quelqu’un qui n’encourt pas une privation de liberté pour ces faits. En outre, ses déclarations seraient reçues inconstitutionnellement et en violation de la Convention de Sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (arrêt Brusco c. France), qui a une valeur supérieure à la loi en vertu de l’article 55 de la Constitution. Or en tant que magistrat, il est de mon devoir de faire respecter le droit. C’est le sens du serment que j’ai prêté. je vous ordonne donc de remettre ce monsieur en liberté ; et si vous avez des questions à lui poser, vous lui envoyez une convocation, en lui rappelant qu’il n’est pas obligé de répondre à vos questions, bien sûr”.
Perdu.
Sa garde à vue a été prolongée et il y a passé près de 48 heures. Illégalement, donc. Son logement a été perquisitionné et son ordinateur a été saisi. Il ne va probablement pas être expertisé, le coût prévisible de la mesure dépassant le montant de l’amende susceptible d’être prononcée. Et sa confiscation n’est même pas prévue à titre de peine complémentaire. Il devra lui être restitué.
A la décharge du parquet, quand on voit que, enfin déféré devant un juge des libertés et de la détention, celui-ci, au lieu d’exploser de colère devant cette procédure ridicule et à la légalité douteuse, a placé ce monsieur sous contrôle judiciaire, avec interdiction d’entrer en contact avec Rachida Dati – ce que j’ai du mal à considérer comme une contrainte, on voit que même la vraie autorité judiciaire, composée de magistrats indépendants, eux, ne risque pas de perdre le sommeil à cause d’un souci excessif des libertés.

source : http://www.maitre-eolas.fr/post/2010/10/29/Pourquoi-je-veux-un-habeas-corpus-en-France

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