mercredi 15 septembre 2010

Bouleverser l'école


L’école est le lieu où une société transmet ses valeurs ; et  donc, d’abord,  le lieu où celles-ci  se reflètent.  Le succès ou l’échec de l’école, c’est donc d’abord celui des valeurs qu’une génération veut transmettre aux suivantes.
Les valeurs françaises sont celles d’une société terrienne, d’origine agricole, où l’accumulation est centralisée,  autour d’un Etat auquel chacun est relié en ligne droite et   où l’excellence  passe par la  seule raison. Cela conduit à mettre l’accent    sur   la sélection d’une élite très particulière, une élite de la raison, essentiellement héréditaire,  pyramidale, accumulant des richesses autour d’un centre,  privilégiant l’esprit de  géométrie, art individualiste par excellence,  et  sélectionnée  par la compétition dans des grandes écoles, évidemment parisiennes, dans une  relation directe  du maitre avec chaque élève, comme du pouvoir avec chaque citoyen.
Ce système  échoue aujourd’hui  parce qu’il ne valorise pas les détours et les labyrinthes ; parce qu’il exclue  l’intelligence de l’intuition ; parce qu’il  s’adresse   à un grand nombre  très diversifié, avec des méthodes pensées pour de petits groupes homogènes  et  socialement privilégiés. Un système qui ne fait pas confiance,   qui  ne met pas en confiance , qui ne pousse pas à comprendre que chacun a intérêt au succès des autres, qui  méprise tout ce qui n’est pas le travail intellectuel, qui ne valorise pas la créativité, l’imagination, l’erreur, la prise de risque.
Or, le monde d’aujourd’hui a besoin, d’empathie,  d’expérience, de coopération de réseaux, de tribus. Il a besoin que les nouveaux arrivants connaissent les  univers du mouvement, du changement, du vivant, de l’intuition, du collectif. D’où l’échec de notre système scolaire qui, avec ses méthodes inadaptées, conduit  près de  la moitié des enfants à  sortir  du primaire sans savoir lire et écrire et  130.000 à quitter  l’enseignement obligatoire sans diplôme. Et bien d’autres impasses
Tout doit changer.  Il faut  passer à une éducation sur mesure, mettant chacun en situation de découvrir ce en quoi il est le meilleur et comment il peut avoir intérêt, pour réussir,   à aider les autres à s’épanouir.
Pour y parvenir, il ne suffira pas de créer quelques internats d’excellence, qui ne feront qu’élargir homéopathiquement le champ d’une élite anachronique, mais il faudra changer de vision du monde, privilégier le collectif, la diversité, l’intuition, la  créativité. Et pour cela, d’abord,   former   les maitres à un monde nouveau. Et  surtout ,   en amont,  changer  le regard des parents sur leurs enfants : ils ne doivent plus souhaiter en faire les  meilleurs dans les disciplines  les plus recherchées à  leur époque ; ils   ne doivent plus  penser que la réussite, demain,    sera à l’image de  celle  dont ils rêvaient dans leur jeunesse. Ils doivent admettre qu’elle passera d’abord par  le libre choix de modèles de réussite, individuel ou collectif, économique ou social, politique ou associatif,  qui restent à imaginer avec les élèves eux-mêmes ;  et donc par l’excellence  dans des disciplines sans cesse renouvelées , assemblages sur mesure de savoirs multiples.
Tel  est le saut le plus difficile qu’une génération doit faire si elle veut vraiment  être utile aux suivantes.
j@attali.com    http://blogs.lexpress.fr/attali/  

Et encore sur le Nouvel Obs :

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20100902.OBS9318/exclusif-l-ecole-casse-t-elle-nos-enfants.html

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